Administrateurs, demandez donc à vos infirmières si elles ne sont pas en plein burn-out

Publié le par Louis Lacaze

Administrateurs, demandez donc à vos infirmières si elles ne sont pas en plein burn-out

Emily Weston, infirmière américaine avec 10 ans d’ancienneté laisse libre cours à sa révolte.

 

Si à mes débuts j’étais timide et naïve maintenant j’ai tout vu, plus rien ne m’étonne. Je suis devenue stoïque, j’ai compris qu’il y avait un temps pour vivre et un temps pour mourir. Permettre à un patient de mourir paisiblement est pour moi aussi gratifiant que de sauver une vie.

 

Il arrive que les moments insupportables que nous traversons face à la souffrance de nos patients nous empêchent de trouver le sommeil le soir, nous laissent frissonnantes et en larmes. Personne ne reconnaît notre désespoir lorsque nous devons gérer une tragédie. Nous sommes censées distribuer les médicaments, bavarder avec les patients, afficher de l’entrain, de l’empathie, de l’optimisme. Notre souffrance doit rester invisible. A la suite de ces épreuves, on ne nous accorde jamais un jour de récupération, pas même une heure de pause pour prendre un café. Par contre, on nous donne davantage de formulaires à renseigner, davantage de travail à faire dans un emploi du temps déjà bien rempli.

 

Quel est le résultat ? Le burn-out. Certaines changent de métier. Les réserves de compassion de celles qui restent sont à sec, nous devenons désabusées, aigries, démotivées. Les administrateurs devraient s’interroger : leurs infirmières ne seraient-elles pas en situation de burn-out ? Seraient-ils capables de côtoyer la mort tous les jours en restant sains d’esprit ? Des changements s’imposent, la souffrance des infirmières qui perdent un patient doit être reconnue, elles doivent disposer d’un espace de paix pour faire leur deuil.

 

Commentaire de Bernard Pradines. Ce texte pourrait être aisément transposé dans notre pays. Toutefois, j’aurai un diagnostic plus nuancé sur les administrateurs. Ils obéissent à deux logiques principales liées entre elles : l’une d’elles est l’obéissance à une politique de santé qu’ils n’ont pas eux-mêmes définie. Ils s’inscrivent aussi dans une logique de rentabilité qui a contaminé le secteur public. En cela, les administrateurs sont les esclaves inavoués d’un système politique et économique donné dans un moment précis de l’histoire de l’humanité. Il serait vain et contreproductif de leur faire porter toute la responsabilité de la situation actuelle. Ils ne font que représenter la société en bonne santé face au défi des dépenses de santé mal honorées. Ce serait comme reprocher à un guichetier les règles en vigueur dans son entreprise.

Publié dans fin de vie, soignants

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Eh oui c'est le paradoxe. Devant familles et malades, nous devons offrir notre cœur. Mais quand on sort du boulot, ce même cœur est enfermé et prie de ne plus exister. Perso, j'en ai perdu une moitié ! Au bout de 10 ans de gérontologie, ne me reste qu'une moitié avec toutes les difficultés que cela impose. Merci patron !
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