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acharnement therapeutique

L’engouement pour la mort assistée (4) : la crainte de l’acharnement thérapeutique

Publié le par Bernard Pradines

Image issue du site : https://www.odella.fr/avant/conditions-de-vie-des-personnes-agees/fin-de-vie/eviter-acharnement-therapeutique/

Image issue du site : https://www.odella.fr/avant/conditions-de-vie-des-personnes-agees/fin-de-vie/eviter-acharnement-therapeutique/

Mon exercice professionnel de gériatre m’aura laissé de nombreux souvenirs dont quelques découvertes. L’une d’elles est la crainte exprimée par nombre de familles de l’acharnement thérapeutique sur leur parent, sans qu’elles évoquent le risque actuellement le plus prégnant : l’insuffisance thérapeutique par manque de moyens humains ou matériels.

Ces termes d’« acharnement thérapeutique » ne sont plus officiellement d’actualité. Ils ont été remplacés dans la loi[1] par ceux d’« obstination déraisonnable », ce qui n’atténue pas leur portée. Autrement dit, la représentation que se font de nombreuses familles est celle du médecin défendant pied à pied la vie contre la mort. Ce modèle culturel repose sur une expérience collective en partie exacte, celle d’une profession dévolue à sauver son prochain face à la maladie et aux traumatismes. Mais c’est oublier un peu vite la priorité du soin sur le succès de celui-ci, l’obligation de moyens et non de résultat. Comme le déclarait au XVIème siècle Ambroise Paré dans le langage et l’idéologie de son époque, « je le soignai, Dieu le guérit. ... ».

Un autre obstacle subsiste : celui du pronostic vital de plus en plus difficile à déterminer avec l’évolution historique des pathologies et l’avancée en âge. Je suis impressionné par des recommandations concernant une durée de vie estimée à six mois. Si ces termes ont encore un sens dans l’évolution terminale des cancers ou de certaines insuffisances d’organe, ils sont le plus souvent inopérants dans le contexte des démences, des polypathologies et du grand âge. Donc, si l’espérance de vie au moment de l’examen est difficile à déterminer, il est aisé de comprendre que la réponse thérapeutique ne soit pas toujours parfaitement ajustée à la situation considérée. Modèle trop simple mais parlant, vous pourrez parfois en faire trop ou pas assez dans le domaine curatif. De plus, en fin d’évolution de sa ou ses pathologies, le patient demande fréquemment que l’on persiste dans une attitude curative ; comment la lui refuser ?

Au bout du compte, ces incertitudes et ces constats effectués a posteriori vont générer le doute sur les capacités de la médecine à se comporter de manière adaptée au moment considéré. D’où une voie explicative de la suspicion d’acharnement thérapeutique.


[1] Par exemple la loi du 2 février 2016.

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L’engouement pour la mort assistée (3) : les limites de la médecine

Publié le par Bernard Pradines

L’engouement pour la mort assistée (3) : les limites de la médecine

L’espoir dans la médecine fut immense, en particulier au cours du vingtième siècle. Peu à peu, ce sentiment a connu des inflexions, des nuances car de nouvelles limites ont été atteintes. Si les progrès ont été considérables dans le domaine des traitements antibactériens, des obstacles sont apparus tels que la résistance aux antibiotiques. Si les maladies cardiovasculaires et les cancers sont mieux soignés, ils subsistent à représenter les deux principales causes de décès. L’allongement de la durée de la vie a permis l’émergence quantitative de maladies chroniques que nous ne savons pas guérir, essentiellement les démences dont la principale en nombre est la maladie d’Alzheimer. Il ne manquait plus que la Covid-19, succédant en moins de vingt ans à une vague de chaleur ravageuse pour nous rappeler à davantage d’humilité malgré les moyens relativement efficaces qui ont été opposés à ces deux fléaux.

Les polémiques nées d’études trop vite publiées ont fait le reste lors de la dernière crise sanitaire.

Peu à peu, une défiance a pu s’installer, renforcée par la pénurie de médecins et l’émergence de médecines et pharmacies parallèles qui, pour le coup, ne sont pas « fondées sur la preuve » mais sur la séduction.

Enfin, nous ne voulons plus souffrir. Pas seulement celle ou celui qui s’en va mais celles et ceux qui restent. Combien de fois ai-je vu des familles en souffrance donc impatientes que « cela finisse » alors que la personne concernée n’émettait ou ne manifestait aucune plainte ni aucun inconfort décelable par un œil professionnel averti. A l’inverse, le déni peut être présent et tout traitement palliatif nécessaire est parfois considéré comme inutile ou risqué par l’entourage familial.

Enfin, la médecine palliative est peu connue en dehors d’un cercle restreint de soignants.

Tout est prêt pour l’institution de mesures expéditives et radicales incroyablement présentées comme un progrès législatif.

 

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