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La liberté de choisir

Publié le par Madame Labbé

Nous sommes tous concernés par la fin de vie, tôt ou tard, pour nous ou pour nos proches. Il y a quelques semaines, une dame atteinte d’une maladie de Charcot[1] déclarait à la télévision qu’elle envisageait d’aller en Belgique pour un suicide assisté ou une euthanasie. Quelle différence entre des mots qui veulent dire la même chose quant à la finalité ? Pour moi, ils ont un sens différent, le suicide en soi se voulant caché au regard des autres : j’ai décidé de ne plus vivre car je suis trop malheureux dans cette vie-là. Il n’en est pas de même lorsque la maladie vous emmène vers la déchéance physique ou psychique et que vous avez peur de ne pas supporter la douleur quelle qu’elle soit ; pour moi le suicide assisté n’est plus un choix mais devient une nécessité. La personne âgée ou le malade cancéreux ne choisit pas de se donner la mort, il se sent obligé de la demander. Pourquoi ?

Parce qu’il souffre trop. Il sait que son combat contre le mal ou la vieillesse est inutile. De plus aujourd'hui avec Internet tout un chacun peut prendre connaissance des détails du diagnostic qui lui est posé.

Comme tout soignant, j’ai été confrontée à ces questionnements et tout particulièrement dans ma famille. Mon papa avait lui aussi une maladie de Charcot. Après quelques années d’errance médicale, le diagnostic est tombé ; papa a demandé quel était le temps qu’il lui restait à vivre. Entre le moment du diagnostic et celui de son décès, quatre années se sont écoulées avec la perte progressive de la marche ; une canne anglaise puis deux, puis le fauteuil roulant, le lève-malade, la nourriture mixée et l’eau gélifiée : une escalade vers le handicap qu’il supportait très mal. Il nous avait fait promettre de ne pas l’hospitaliser, il ne voulait pas de sonde d’alimentation, pas d’appareil pour respirer. Il voulait mourir au milieu des siens. Environ un an avant son départ, il avait régulièrement de la kinésithérapie respiratoire. Lors des dernières semaines, il dut recevoir de l’oxygène. La kinésithérapie pour l’encombrement respiratoire le faisait énormément souffrir, il ne supportait aucun antalgique il suffoquait dès qu’il avalait un comprimé d’EFFERALGAN-CODEINE. Chaque week-end que je passais près de lui, notamment la nuit, il ne dormait pratiquement plus car chaque position devenait très vite inconfortable. Il en était de même pendant le jour. La nuit, il me posait beaucoup de questions ; je me souviens encore de ces phrases si souvent prononcées : « apporte moi une piqûre de l’hôpital pour en finir, je n’en peux plus…tu ne peux pas comprendre… ». Ou celle-ci : « comment je vais mourir ? Dans combien de temps ? » Parmi tous ces désespoirs se trouvaient des rayons de lumière. Un groupe de personnes venait chaque semaine l’accompagner dans sa détresse. Un couple a réussi pendant 18 mois à le mettre debout chaque jour pendant une heure. Papa avait ainsi l’impression qu’il marchait encore, bien que porté sur leurs épaules. Il avançait ses jambes une à une. C’est probablement ce qui lui a évité les escarres.

Le dernier jour, il a fait un malaise. C’était le jour de la fête des pères donc un dimanche, il y a aujourd’hui 24 ans. Je ne travaillais pas, je suis arrivée dès que j’ai pu. Maman et moi nous sommes restées près de lui sans oublier la promesse faite quatre ans auparavant de ne pas l’hospitaliser ; il ne l’a jamais été. Il est parti sans suffoquer avec je pense une douleur abdominale importante qu’il a pu exprimer ; il nous a dit au revoir en clignant des yeux. Sa volonté depuis le début de sa maladie était que je sois présente lors de son départ pour aider sa femme dans la détresse et dans l’épuisement.

Dans ma vie professionnelle, j’ai accompagné de nombreuses personnes vers leur finitude mais toujours avec ces mêmes interrogations et celles des soignants avec qui j’ai travaillé. Ce sont finalement les patients qui apportent la réponse à notre questionnement.

Pour ou contre l’euthanasie ?

Devant cette interrogation, il est difficile de répondre par oui ou par non, chacun pensant selon ses convictions, ses croyances religieuses ou philosophiques.

La loi actuelle permet au corps médical de répondre à ce questionnement en fonction des demandes des patients.

Devant la souffrance en fin de vie, il faut permettre aux soignants de pouvoir accompagner les patients mais aussi les familles qui sont très démunies devant la mort de leur proche et ne pas laisser une image catastrophique comme je l’entends trop souvent ; récemment, une personne de 102 ans a énormément souffert pour mourir d’après sa fille. Malheureusement c’est une image douloureuse qu’elle va laisser à ses proches, donc une peur qui se transmet face à leur propre mort.

Personnellement je suis favorable à ce que l’on soulage le plus possible ma douleur par tous les moyens mis à disposition, même si cela doit accélérer la fin de mes jours. Espérons que nos politiques ne changeront pas d’avis une fois élus face à la pression collective car pour moi chaque cas est unique et doit être traité comme tel.

 

[1] Maladie de Charcot : sclérose latérale amyotrophique (SLA)

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Réalité et signalement

Publié le par Bernard Pradines

Réalité et signalement

Le manque cruel de personnel soignant dans nos établissements a des conséquences parfois insoupçonnées. C’est pourquoi j’ai répertorié quelques situations anormales chez les résidents qui m’étaient rapportées de manière variable -comme médecin- par des personnels en difficulté face à des pathologies ou à des modifications de comportement. A la charge du lecteur d’en produire d’autres.

Une attitude rééducative ou stimulante, un « laisser faire la personne » au lieu de « faire à sa place» sont bien plus consommateurs de temps. Pire, la cotation tarifaire de la dépendance est en faveur du patient âgé grabataire, non de celui que l’on veut et peut dynamiser. Le risque est donc grand de « rater » une aggravation de la dépendance.

Une agitation sera plus aisément rapportée qu’un comportement trop calme. Comment ne pas comprendre que des cris nocturnes soient à la fois plus faciles à repérer et plus perturbants pour l’entourage qu’une altération anormale de la conscience ? Diminuer un traitement sédatif est toujours plus mal accepté que l’instituer.

Un poids excessif ou une prise de poids poseront davantage de problèmes de manutention que la fréquente perte de poids qui, elle, est perçue confusément comme un allègement de la charge quotidienne, surtout devant une personne obèse. Un appétit augmenté de manière pathologique sera donc potentiellement plus remarqué qu’une discrète anorexie.

Une diarrhée pourra être plus facilement signalée qu’une constipation. En effet, la première donnera davantage de travail que la seconde en termes de maintien de la propreté de la personne : changements du linge de corps et toilettes cutanées.

En conclusion, je ne prétends pas que les tendances décrites ci-dessus sont forcément conscientes et volontaires, ou même systématiques, ce qui serait une grave et injuste accusation.

Non, aussi longtemps que nous souffrirons d’une pénurie de personnels, il faudra simplement en tenir compte.

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