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Des questions après un interview

Publié le par Bernard Pradines

Image issue du site : https://www.ledepartement66.fr/les-soins-palliatifs/

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Après la publication de ma réponse à un journaliste dans la presse locale concernant la proposition récente de loi relative à la fin de la vie, j’ai reçu les trois questions suivantes émanant d’un lecteur du journal. Je tente d’y répondre la plus brièvement possible.

Q. Les demandes d’euthanasie ne s'expliquent-elles pas par un trop lent développement des soins palliatifs ? Et aussi par l'absence d'accompagnement familial ?

R. D’abord, il me semble important de resituer l’acuité du débat actuel dans son contexte : celui de la fin de vie cruelle et massive chez des dizaines de milliers de nos contemporains. Oui, la plupart des demandes d’euthanasie ou de suicide médicalement assisté trouvent leur origine, au moins partielle, dans le faible développement concret des soins palliatifs en France. Ainsi a pu se développer une peur collective fondée sur des expériences pénibles de séparation avec les personnes aimées. Même si nous n’avons évidemment pas l’espoir de faire un moment agréable de cette phase ultime de la vie, il est urgent de donner ou de redonner aux soins palliatifs leur juste place et la possibilité d’accès à ces soins pour nos concitoyennes et concitoyens. Pour apaiser au maximum toutes les souffrances.

Quant à l’accompagnement familial, il ne fait pas toujours défaut, loin de là. Toutefois, votre question évoque à juste titre la montée en puissance de la vie solitaire. En 2017, selon l’INSEE, 61,6% des femmes françaises de 80 ans et plus vivent seules, pourcentage en constante progression.[1]

De multiples facteurs liés à la nouvelle organisation de notre société et de la famille depuis trois générations vont peser de tout leur poids pour que la personne vulnérable puisse ressentir sa propre présence comme une charge et une souffrance pour sa famille et pour la société. C’est là que l’effort devrait porter et non sur l’adoption de méthodes expéditives présentées comme des solutions satisfaisantes.

Q. Se maquiller, se coiffer peut devenir difficile. Mais quand le corps est déficient il reste les échanges avec les proches, les petits enfants, etc. Mais aussi la culture à travers les médias.

R. Il existe une multiplicité de situations très variables. La notion de « fin de vie » est un fourre-tout facile qui recouvre une réalité d’une grande complexité. Le type et le stade des pathologies rencontrées, la personnalité de la personne malade ou traumatisée, la durée de cette période, l’entourage familial ou les centres d’intérêt que vous évoquez sont des éléments parmi d’autres à prendre en compte. Sans parler des capacités de soulagement par manque de substances antalgiques ou de savoir-faire dans les pays laissés pour compte et trop souvent encore chez nous.

A ne pas négliger aussi le développement de l’individualisme boosté par la promotion idéologique du chacun pour soi et de la défiance du collectif. Une société tendue vers la performance, le profit et la concurrence n’aime pas les faibles. Le message subliminal est que la personne vulnérable est un super looser qui souffre, fait souffrir et plombe inutilement les ressources de la nation. Un refrain déjà entendu explicitement au cours de l’histoire tumultueuse de l’humanité. Tout l’art est de ne pas le dire en des termes aussi violents mais de convaincre l’individu de le comprendre, de l’intérioriser. Il convient de le persuader que la dignité n’est pas compatible avec la dépendance. Si d’autres ont su partir dans la « dignité », pourquoi pas vous ?

Q. L'entourage incite au suicide quand on répète : Tu nous coûtes beaucoup, nous n'avons plus le temps de venir... N'est-ce pas tout un contexte qui « pousse » à l'euthanasie ? Merci de confirmer ou de compléter mes remarques.

R. Cette situation de pression verbale est possible mais relativement rare, en tout cas le plus souvent dissimulée. En fait, nul besoin de l’exprimer de manière explicite ; il y a des choses, les plus douloureuses, que l’on comprend sans se parler dans le silence des familles. Pour reprendre un cliché, on ne parle pas de ce qui est évident et de ce qui dérange. Il se trouve que ce sujet conjugue ces deux aspects. Nous retrouvons là le message implicite que j’évoque ci-dessus dans la dimension sociétale.

Vous rappelez le fait que la personne vulnérable puisse coûter beaucoup. Ceci se vérifie en termes affectifs et financiers. Oui, le contexte pousse aux méthodes expéditives. L’astuce est de présenter ceci comme une liberté personnelle alors qu’il s’agit d’une adaptation individuelle à une contrainte historique collective.

L’enjeu devrait être de développer des compétences et des disponibilités qui font défaut. Un défi à relever pour une société digne.

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Non, résolument non !

Publié le par Bernard Pradines

Image issue du site : https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Euthanasie-quand-pro-anti-rencontrent-2018-05-23-1200941151

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Ancien gériatre, j’émets les plus vives réserves quant à une évolution rétrograde de la loi de 2016 concernant les soins lors de la fin de la vie. Pour moi l’aide active à mourir, qui prévoit des mesures radicales telles que l’euthanasie et le suicide médicalement assisté, ne peut être intégrée à une stratégie palliative.

Reste à pouvoir appliquer à bon escient les dispositions de la loi citée ci-dessus dont une sédation profonde dans les cas précis qui le requièrent.  La pratique m’a montré la tendance diffuse de notre société à trouver embarrassante la persistance d’états de dépendance censés coûter cher dans sa course effrénée à la rentabilité et au profit. Si les uns y recourent, pourquoi pas les autres qui n’ont pas encore compris qu’ils sont onéreux et que leur image fait souffrir la société et leur famille ?

L’Histoire et l’émergence des Droits de l’Homme nous ont enseigné le rejet des pratiques expéditives et nous ont conduits à aller plus loin : vers le respect de la vie des citoyens âgés vulnérables. Je souhaite que ces personnes, de plus en plus nombreuses, terminent leur vie dans la dignité, c’est-à-dire respectées, correctement accompagnées et soignées jusqu’au bout.

C’est pourquoi je partage les objectifs de la SFAP* et ses objections quant au récent projet de loi visant à procurer une « aide active à mourir ».

*SFAP

Pour en savoir davantage :

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