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Les soins palliatifs : soyons simples

Publié le par Bernard Pradines

Image issue du site ; https://www.toulouseinfos.fr/actualites/24123-toulouse-capitale-mondiale-soins-palliatifs.html

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Soins parfois qualifiés « de confort », ils revendiquent ambitieusement d’envisager des dimensions multiples : organiques, psychiques, sociales, spirituelles et éthiques[1]. L’insistance est mise sur l’interdisciplinarité et la place du bénévolat.

Déjà une ambiguïté. Les soins palliatifs n’ont pas la même signification selon vos interlocuteurs. Ils sont le plus souvent entendus comme des soins terminaux s’adressant à des personnes en toute fin de vie. Pourtant, celles et ceux qui les pratiquent vous préciseront qu’ils devraient bénéficier bien plus précocement aux patients atteints d’affections graves mettant en jeu leur pronostic vital à court ou à long terme.

Le malentendu ne s’arrête pas là. Si des unités de soins palliatifs (USP), des « lits identifiés » (LISP), des équipes mobiles (EMSP) et des réseaux de soins palliatifs existent en France[2], ils demeurent insuffisants. Ils intéressent, comme en Europe, des patients souffrant de cancers dans environ 80 % des cas. Or, bien qu’un effort récent soit porté par exemple sur les patients souffrant de sclérose latérale amyotrophique[3], les cancers ne représentent « que » environ 30 % des causes de décès dans notre pays[4].

Mieux, ou plutôt pire, les ressources disponibles ne permettent pas l’accès aux soins palliatifs à la plupart des personnes qui en relèvent, y compris en milieu hospitalier[5]. Nous serons plus discrets encore quant aux prestations à domicile malgré des dévouements quasi sacrificiels ici ou là. Les réseaux, eux, se voient compromis par une intégration dans des dispositifs plus larges où leur dilution est à redouter.

La loi actuelle concernant la fin de vie[6] est à la fois contestée et mal connue[7]. Ses possibilités en termes d’anticipation au travers des directives anticipées et de la personne de confiance sont quasiment inexploitées car réduites à quelques pourcents de la population française. Une forte pression, y compris parlementaire, ne faiblit pas pour que notre pays adopte une nouvelle loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté. Le développement des soins palliatifs est ici moins recherché que celui de solutions expéditives censées respecter l’autonomie individuelle. Conscient de la charge affective et financière, familiale et sociale qu’il représente, le futur candidat à mourir revendique ainsi son pouvoir de décision sur une profession soignante largement réticente. Surtout si le postulant est accoutumé à disposer de sa vie comme le sont les décideurs au nombre desquels figurent les législateurs.

Le constat que l’on meurt mal en France est régulièrement effectué et clamé. Ce sont donc des mesures fortes qui sont attendues en termes de politique de fin de vie. Un exemple parmi d’autres : les structures de répit[8] font défaut, elles qui permettraient aux patients et aux aidants de ne pas recourir systématiquement aux établissements de soins lorsque la situation ne le requiert pas. Nous aurons bien besoin de l’application effective du cinquième plan[9] poursuivant deux objectifs : l'égalité d'accès aux soins palliatifs et l'anticipation, cette dernière notion intégrant les soins palliatifs dans le parcours des patients et encourageant une réflexion de chaque citoyen sur sa propre fin de vie.

Faut-il changer la mort comme l’écrivaient conjointement deux célèbres auteurs disparus [10] ? Peut-être. Nous confierons ce débat aux philosophes et aux religieux.

Il faudrait changer d’abord et surtout la fin de la vie.

 

[2] Données publiées par la Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) : http://www.sfap.org/rubrique/en-quelques-chiffres

[3] SLA. Maladie neurologique autrement qualifiée de maladie de Charcot. https://www.parlons-fin-de-vie.fr/les-situations-de-fin-de-vie/sla/

[5] Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France Première édition 2018 : https://www.parlons-fin-de-vie.fr/wp-content/uploads/2018/10/Atlas_Soins_Palliatifs_Fin_de_Vie_en_France.pdf

[6] Loi du 2 février 2016 dite loi Claeys-Leonetti : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253/, loi complétée par deux décrets et un arrêté ministériel du 3 août 2016

[7] Résultats personnels d’une enquête en ligne relative à la connaissance des dispositifs législatifs de la fin de vie : https://cloud.leviia.com/s/QdknX3ELZGmw9wH

[8] La Maison Astrolabe : https://lamaisonastrolabe.com/

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Commencez par agir, vous réfléchirez plus tard

Publié le par Louis Lacaze

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Gouverner c’est prévoir, exercice particulièrement difficile dans le contexte d’une pandémie hautement létale d’une ampleur inconnue depuis la grippe dite espagnole. Les pays ont réagi suivant leur expérience dans des domaines comparables, selon leurs usages et leurs valeurs. En France par exemple a été créé un comité composé de médecins, de philosophes, de scientifiques, chargé d’examiner les problèmes d’éthique soulevés par l’application des moyens de lutte contre la covid-19.

En France comme ailleurs, l’examen des mesures prises montre qu’en priorité les gouvernants ont cherché à établir un équilibre entre une lutte efficace contre le virus, les moyens financiers disponibles et le maintien d’une certaine activité économique, alors que les considérations, soit épidémiologiques, soit purement éthiques passaient au second plan. En Allemagne, on a envisagé que les occupants des centres d’accueil d’immigrants soient isolés dans des chambres individuelles pour diminuer les risques de contagion. Or ils y ont été maintenus en arguant qu’ils constituaient de fait des unités familiales. En France, les divergences entre les politiques, les psychologues, les économistes et les professionnels de santé accompagnées d’atermoiements sont restées dans toutes les mémoires.

Le Dr Kayvan Bozorgmeh, cité ci-dessous en lien, marque la différence entre la morale qui recommande le respect d’un ensemble de valeurs et l’éthique qui interroge sur le bien-fondé du choix de mesures à prendre et sur la possibilité de les concrétiser. Pour lui l’éthique n’a sa place qu’en dehors des situations d’urgence. Une fois l’évènement terminé, il sera alors possible de découvrir les tenants et aboutissants des mesures prises, à partir d’une réflexion rationnelle, pragmatique prenant en compte la diversité des critères éthiques, culturels, moraux rencontrés à l’échelle à l’échelle mondiale.

Actuellement le pouvoir de décision appartient aux politiques qui, pour être crédibles, doivent inspirer une confiance absolue soit par la contrainte dans les pays totalitaires, soit par une force de conviction dans les démocraties en s’appuyant sur des experts unanimes et incontestés, ce qui bien souvent semble relever du domaine de la quadrature du cercle.

Commentaires de Bernard Pradines. Oui, il s'agit bien en France d'abord d'un problème de défiance. Ce sentiment est puissant, ancien, et ne sera pas changé du jour au lendemain. En témoignent par exemple des aspects aussi différents que l'abstention massive lors de certaines élections ou bien le développement de médecines parallèles non validées.

Sources :

Kayvan Bozorgmeh The Lancet Power of and power over COVID-19 response guidelines

The COVID-19 pandemic has shown that ignorance or political influence of scientifically grounded health policies does not pay off.

Henri-Corto Stoeklé et al The Lancet The COVID-19 pandemic: a time for ethical reflection?

Kayvan Bozorgmehr highlighted the need to bring ethical reflections into the debate about guidelines on managing the COVID-19 pandemic.

 Indeed, Bozorgmehr poses questions about the medical and moral pertinence of the public health policy implemented in Germany since the start of the COVID-19 pandemic, particularly concerning the management of migrants.

Henri-Corto Stoeklé  et al COVID-19: Act First, Think Later

In France, the Ministry of Health has requested the intervention of the national ethics committee (CCNE) in the face of the COVID-19 epidemic. However, now really isn’t the time for ethical reflections.

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