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Tri habituel ou non à l’entrée en service de réanimation ?

Publié le par Bernard Pradines

Sophie Crozier

Sophie Crozier

Bernard Pradines, ancien anesthésiste-réanimateur, ancien gériatre.

Nous n’échapperons pas aux interrogations de notre société à la faveur des procès qui s’esquissent déjà dans les EHPAD après la pandémie de covid-19. Ils sont provoqués par des familles mécontentes. Des soignants traumatisés s’interrogent et n’oublieront pas l’épreuve que nous subissons.

Au premier rang des préoccupations du tri ou, euphémisme, de la « priorisation », se situe l’âge des patients mais aussi leur lieu de résidence : EHPAD, Soins de Longue Durée ou domicile.

L’association Corona Victimes, et son président, Michel Parrigo affirment que des « tris » sur le seul critère de l’âge pour entrer en service de réanimation « ont été effectués sans la moindre discussion ». [1] Vrai ou fake ?

Sophie Crozier[2] plaide pour un débat collectif dans la société, pour une meilleure compréhension et une démystification du processus de priorisation dans les services de réanimation, d’autant plus nécessaire que les places en réanimation n’ont cessé de diminuer sur le territoire français, faute de moyens alloués à l’hôpital. Désormais, il faut penser l’après. « Il faut que cette crise soit un accélérateur », estime Sophie Crozier. « Pour que ce débat quant à l’utilisation des ressources et au manque de celles-ci ait lieu. Il faut vraiment que l’ensemble des citoyens puissent se saisir de cette question. »[3]

A l’origine d’un refus de l’entrée en service de réanimation, il y a une demande qui est toujours le fait d’un médecin. Ce n’est donc pas n’importe qui est à l’origine de la demande de ces soins spécialisés.

Il faut noter, tracer tous les cas de refus qui pourront être étudiés secondairement quand sera venue l’heure des bilans. Non pour dénoncer tel ou tel mais pour mieux apprécier si une perte de chance a eu lieu. Si un refus non-éthique a été effectué sur la base d’une pénurie chronique, quelles actions ont été entreprises, à tous niveaux, pour remédier ou au moins lutter contre cette réalité ? Dans quelle mesure une telle situation aurait-elle pu être anticipée ? Tirer des leçons indispensables pour l’avenir est à ce prix.


[2] Sophie Crozier est neurologue à l’AP-HP et rapporteure de la question du tri en réanimation au sein du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), après la saisine de ce dernier par le Ministère de la santé. Source : article cité en 1

[3] Id 1

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Santé mentale : les seniors font-ils de la résistance ?

Publié le par Louis Lacaze et Bernard Pradines

Santé mentale : les seniors font-ils de la résistance ?

La presse grand public s’est largement fait l’écho des souffrances affectant les personnes âgées pendant le premier confinement. Ceci a été particulièrement mis en exergue dans les établissements pour personnes âgées : isolement, résidents cloués au lit ou n’ayant pour occupation que la contemplation d’une fenêtre, voire tentatives de suicides.

Des études récentes[1][2][3][4] venant des USA, d’Espagne, du Canada et des Pays-Bas, rapportées dans une revue de la littérature[5] parue en novembre 2020, ont permis de prendre du recul et révélé que les seniors à domicile ont été moins affectés que les autres classes d’âge.

Aux USA, sur un panel de 4470 sur 5412 personnes sollicitées à domicile, 49,1% des 731 participants âgés de 18 à 24 ans ont déclaré rencontrer des problèmes d’anxiété, 52.3 % de dépression, 46 % de troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress (trauma- or stress-related disorder - TSRD).

Pour les 1911 participants âgés de 25 à 44 ans, les pourcentages passent respectivement à 35,3 %, 32,5 %, et 36 %.

Pour les 895 participants âgés de 45 à 64 ans, nouvelle baisse à 16,1%, 14,4 % et 17,2%. Le contraste est net avec les 933 personnes âgées de 65 ans et plus vivant à domicile : 6,2 %, 5,8 % et 9.2 %.

Les chercheurs qui s’étaient fixé pour objectif la recherche des effets de l’isolement et de la solitude sur l’état mental des seniors ont cherché à relever des éléments expliquant cette résistance des seniors face au confinement. La disparition des contacts sociaux n’aurait pas de caractère traumatisant si des relations de qualité restaient disponibles. Pour beaucoup, la technologie a permis de maintenir les contacts familiaux et sociaux les plus importants. Le facteur de résistance primordial serait la sagesse, caractéristique essentielle de la vieillesse depuis la haute antiquité. Jusqu’au XXe siècle ? Elle apporte l’expérience, la patience, l’acceptation de l’inconnu, le contrôle des émotions, et avant tout empathie et compassion, bien plus présents que chez les générations plus jeunes.

Commentaires de Bernard Pradines

Ce texte fort intéressant, à rebours du politiquement correct, nous apporte un contrepoint au lamento généralisé sur le sort des personnes âgées en temps de pandémie et de confinement corollaire. Ainsi, un article cité en source française par Louis Lacaze, relatant l’interview d’un psychiatre, avance l’hypothèse suivante [6]:

« Plus vous êtes âgé, plus votre bien-être mental est élevé. Les personnes âgées se sont senties protégées au cours du confinement. Une aisance financière et une surface d'habitation plus importante les ont également préservées. Globalement, les personnes de catégories socio-professionnelles supérieures, vivant dans une grande surface avec un accès à l'extérieur, en famille, et qui ont pu continuer à travailler et à se sentir utiles, ont été les plus préservées. Les personnes isolées, dans des logements plus petits et vivant dans une insécurité financière et sociale, ont été les plus touchées dans leur bien-être mental. Ce confinement a aggravé les inégalités habituelles – il a mis de la pression sur les gens les plus fragiles. » 

Le fait essentiel est qu’il s’agit toujours de personnes âgées à domicile et non en établissement. De plus, nous ne connaissons pas encore le bilan humain si nous envisageons des sous-groupes plus vulnérables : personnes âgées à faibles revenus, celles souffrant de démence ou qui sont aidantes de personnes âgées démentes. Aucune donnée de la revue de la littérature citée n’est encore disponible dans les établissements pour personnes âgées à l’heure de sa publication.[7]

La condition dans les EHPAD français ne saurait se comparer avec celle des personnes âgées vivant à domicile dans les pays ici considérés, personnes souvent autonomes et disposant pour beaucoup de moyens financiers, matériels, intellectuels et relationnels de qualité.

Ainsi, la situation actuelle, qui demandera plusieurs années avant d’être correctement évaluée, est manifestement complexe.

Une généralisation hâtive est impossible.


[1] Czeisler MÉ, Lane RI, Petrosky E, Wiley JF, Christensen A, Njai R, Weaver MD, Robbins R, Facer-Childs ER, Barger LK, Czeisler CA, Howard ME, Rajaratnam SMW. Mental Health, Substance Use, and Suicidal Ideation During the COVID-19 Pandemic - United States, June 24-30, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2020 Aug 14;69(32):1049-1057. doi: 10.15585/mmwr.mm6932a1. PMID: 32790653; PMCID: PMC7440121.

[2] González-Sanguino C, Ausín B, Castellanos MÁ, Saiz J, López-Gómez A, Ugidos C, Muñoz M. Mental health consequences during the initial stage of the 2020 Coronavirus pandemic (COVID-19) in Spain. Brain Behav Immun. 2020 Jul;87:172-176. doi: 10.1016/j.bbi.2020.05.040. Epub 2020 May 13. PMID: 32405150; PMCID: PMC7219372.

[3] Klaiber P, Wen JH, DeLongis A, Sin NL. The ups and downs of daily life during COVID-19: Age differences in affect, stress, and positive events. J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci. 2020 Jul 17:gbaa096. doi: 10.1093/geronb/gbaa096. Epub ahead of print. PMID: 32674138; PMCID: PMC7454856.

[4] van Tilburg TG, Steinmetz S, Stolte E, van der Roest H, de Vries DH. Loneliness and mental health during the COVID-19 pandemic: A study among Dutch older adults. J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci. 2020 Aug 5:gbaa111. doi: 10.1093/geronb/gbaa111. Epub ahead of print. PMID: 32756931; PMCID: PMC7454922.

[5] Vahia IV, Jeste DV, Reynolds CF. Older Adults and the Mental Health Effects of COVID-19. JAMA. Published online November 20, 2020. doi:10.1001/jama.2020.21753

  1. Valentine Pasquesoone  France Télévisions  "Cette crise pourrait devenir une catastrophe psychologique" : quelles conséquences du Covid-19 et du confinement sur notre santé mentale ?

Huit mois après le début du premier confinement, que sait-on du poids de l'épidémie, et de ses restrictions consécutives, sur l'état psychologique des Français ? Eléments de réponse avec le psychiatre Nicolas Franck, auteur d'une enquête et d'un livre sur le sujet. 

[7] Vahia IV, Jeste DV, Reynolds CF. Older Adults and the Mental Health Effects of COVID-19. JAMA. Published online November 20, 2020. doi:10.1001/jama.2020.21753

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