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maltraitance

Idéologie quand tu nous tiens !

Publié le par Bernard Pradines

Image issue de : https://www.lefigaro.fr/medias/scandale-orpea-le-livre-les-fossoyeurs-deja-reimprime-sept-fois-20220202

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Le nouveau scandale exposé par le livre « les Fossoyeurs »[1] n’est jamais qu’une énième péripétie d’un long chemin de croix constellé de révélations plus choquantes les unes que les autres. Elles se sont accumulées et multipliées depuis la dernière décade.

Incapables d’avoir pris correctement le virage du quasi tout domicile en famille de la première moitié du vingtième siècle vers la vie solitaire majoritaire à domicile ou collective en établissement, nous entendons le concert des pleureuses entonnant à nouveau le chant éploré de la culpabilité. Un tel accuse l’âgisme, l’autre l’indifférence à autrui ou l’abandon des anciens. D’autres, plus perspicaces quant aux mécanismes délétères, pointent la rentabilité ou pire, le profit réalisé sur le dos des personnes âgées vulnérables. Le constat est accablant : personnels sous-payés en nombre insuffisant fuyant une profession sinistrée, forcés à des glissements de tâches, à une mobilité incessante et surtout à porter le poids accablant du travail mal fait donc la contrainte sur les résidents pour aller plus vite en besogne. Des familles mécontentes revendiquent depuis longtemps une participation formelle aux établissements qui leur est refusée, par exemple par l’absence de « conseil de la vie sociale » pourtant inscrit noir sur blanc dans la loi[2]. Pire, d’autres familles sont indifférentes à la gestion de services dont elles se plaignent pourtant de la cherté, comme on le serait vis-à-vis d’un supermarché où seul nous importe le montant des étiquettes ! Des dispositifs tels que celui de la « personne qualifiée » censée faire valoir les droits des personnes hébergées sont confidentiels voire boudés et même ignorés[3]. La peur de leur saisine par crainte de rétorsion sur son parent âgé fera souvent le reste.

Se pose désormais la question de savoir s'il est acceptable, même du seul point de vue moral, que l'on puisse faire des profits plus ou moins mirifiques aux dépens des personnes âgées captives dans tous les sens du terme. Mieux, l'accompagnement du grand âge ne devrait-il pas être toujours non lucratif et sérieusement contrôlé selon des critères stricts définis par la loi et effectués par des organismes indépendants ?

Quand les idéologies du libre marché et du consumérisme se rencontrent dans le domaine humain, tout est à craindre ; nous y sommes ! C’est donc à un sursaut de citoyenneté, de démocratie participative et d’exigence de non-profit auquel nous devons procéder sans attendre.


[1] « Les Fossoyeurs, révélations sur le système qui maltraite non aînés » (Fayard, 400 pages, 22,90 euros) de Victor Castanet.

[2] Articles 10 à 12 de la LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

[3]  Arrêté de nomination d’une personne qualifiée en juin 2020 : « toute personne prise en charge par un établissement ou service social ou médico-social, ou son représentant légal, peut faire appel à une personne qualifiée, en vue de l’aider à faire valoir ses droits ».

Décret n° 2005-1367 du 2 novembre 2005 portant modifications de certaines dispositions du code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire) relatives au conseil de la vie sociale et aux autres formes de participation institués à l'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des familles.

Cet article est paru le mercredi 9 février 2022 sur le site d'AgeVillagepro

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Faut-il changer de regard sur les personnes âgées ?

Publié le par Bernard Pradines

Image issue du site : https://www.sainteadresseoptique.fr/details-lunettes+de+vue+edition+limitee+dior+exquise+o-179.html

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Faut-il améliorer son acuité visuelle pour changer son regard ?

Figure convenue de toute interview médiatisée sur ce sujet : il faut changer le regard de la société sur les personnes âgées ! Considération devenue truisme, affirmation incantatoire et performative, un tel changement étant censé améliorer la condition de ces citoyennes et citoyens.

Faut-il améliorer son acuité visuelle pour changer son regard ? Si oui, un opticien abusif vous dira qu’il faut renouveler votre monture pour des lunettes plus onéreuses. Regardons, si j’ose dire, les choses sous un autre angle. Improductives et consommatrices de soins, inutiles et coûteuses, super loosers, voici le message subliminal que les aînés et aînées peuvent percevoir. Mieux : dépassées mais donneuses de leçons dans un monde qu’elles ne comprennent plus. Mais aussi aimées voire adorées des leurs et rendant service, en particulier dans la garde souvent indispensable de leurs petits-enfants issus de la famille resserrée, nucléaire ou monoparentale.

Regard ou plutôt représentation dans le sens que les psychologues donnent à ce terme ? Faisons court : l’idée ou l’image [1] que l’on se fait d’une réalité. En supposant que l’on puisse changer cette subjectivité par un simple effort de motivation. Aïe ! Encore la philosophie idéaliste avec son nez volontariste devenant stigmatisant en cas d’échec.

Là est la puissance du processus : dans un consensus collectif implicite voire inconscient. Dans son ouvrage « Éloge de la fuite » [2], Henri Laborit nous prévient : « Comment être libre quand une grille explicative implacable nous interdit de concevoir le monde d’une façon différente de celle imposée par les automatismes socioculturels qu’elle commande ? » Et j’y ajouterai : encore faut-il que cette grille soit perceptible.

Soyons concrets avec quelques exemples. D’où vient ce sentiment honteux de dégoût devant la sexualité du grand âge tout en clamant sa légitimité ? Comment considérer indigne une vie accompagnée d’incontinence urinaire et fécale, pire en tenir grief à la personne qui en souffre et le lui signifier ? Pourquoi utilise-t-on couramment le terme aberrant et inconséquent de « légume » ? Comment pouvons-nous souhaiter la fin de l’autrui vulnérable alors que Jean de La Fontaine nous interpelle déjà au XVIIème siècle avec trois fables [3] sur l’attachement à vivre des humains en souffrance ? Comment avons-nous organisé notre société pour avoir le sentiment d’abandonner nos aînés dans des établissements sous-dotés dont ils ne ressortent presque jamais vivants ?

Aussi longtemps que nous n’aurons pas d’explications personnelles et collectives satisfaisantes à ce genre de questions, que nous considérerons que « c’est comme ça », nous réagirons avec une culture qui comporte des éléments redoutablement primaires par leur échappement à toute morale telle que nous la concevons aujourd’hui. Eh bien mes amis, cela ne se change pas d’un coup de baguette magique. Si le démontage de nos déterminismes de pensée et de sentiments nous donne l’espoir de nous améliorer, c’est en étant dans la quête insatiable d’un avenir meilleur pour ceux qui sont dans la souffrance. La fameuse « zone d’inconfort » à la mode.

Le courage, disait le grand homme, c’est de chercher la vérité et de la dire [4]. Cela signifie que tous les témoins passifs doivent se muer en prescripteurs des indispensables progrès.

 


[1] https://livre.fnac.com/a1313523/Philippe-Albou-L-image-des-personnes-agees-a-travers-l-histoire

[2] https://livre.fnac.com/a192320/Henri-Laborit-Eloge-de-la-fuite#omnsearchpos=1

[3] « La mort et le bûcheron ». « La mort et le malheureux ». « La mort et le mourant ».

[4] https://citations.ouest-france.fr/citation-jean-jaures/courage-chercher-verite-dire-subir-47096.html

 

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